Certains millésimes ne sont tout simplement pas à la hauteur du battage médiatique. J’ai goûté une large sélection de Champagnes de millésimes tels que 1996 ou 2002 où il est évident que tout n’est pas comme il se doit. Il y avait d’excellents Champagnes, mais aussi un nombre qui aurait dû être bien meilleur qu’eux. Même dans les années exceptionnelles, les vignerons prennent des décisions qui peuvent faire ou casser le potentiel futur.
Avance rapide vers 2008, le prochain « millésime du siècle », immédiatement déclaré » légendaire » (« oh non! »J’entends les cyniques pleurer). 2008 offre une combinaison précise d’acidité nerveuse grâce à des nuits fraîches, et d’intensité aromatique courtesty de temps de suspension plus long sur la vigne. Après les vendanges, les vignerons parlaient déjà de « 1996 partie deux », établissant un parallèle avec un autre millésime de forte acidité et d’alcool à fort potentiel naturel, mais avec 2008 peut-être encore mieux. Alors avons-nous vraiment un millésime « parfait »? Eh bien, quelques années 1996 carrément horribles me suggèrent qu’il n’y en a peut-être pas, mais oui, il est peut-être possible que 2008 soit à la hauteur du battage médiatique.
Quand on goûte un Champagne de 2008, on cherche inconsciemment une liste mentale de superlatifs positifs : précision, intensité, complexité, finesse, équilibre. Toutes sont des caractéristiques que ce millésime possède en abondance. Il ressort clairement des vins sortis jusqu’à présent que la nature nous a offert quelque chose de spécial.
Dom Pierre Pérignon, une personne, un vin
En appuyant à nouveau sur le bouton avance rapide, nous arrivons au mardi 19 juin 2018, le lieu étant les magnifiques jardins du Palais de Kensington, où LVMH a choisi de présenter sa prochaine sortie majeure : Dom Périgon 2008.
Dom Pérignon est un nom si emblématique, et ce n’est pas seulement une question de branding. Un aspect clé de cette cuvée est l’inclusion du Pinot Noir cultivé dans les vignes près de l’abbaye (monastère) d’Hautvillers, la maison de Dom Pierre lui-même. Outre le Premier Cru d’Hautvillers, le Chardonnay et le Pinot Noir proviennent de différents villages de Grands Crus de la Côte des Blancs, de la Vallée de la Marne et de la Montagne de Reims.
DP est un vin d’un équilibre si exquis, à peu près un partage 50/50 entre Chardonnay et Pinot Noir, avec un accent sur le fruit super doux. Toujours en acier inoxydable fermenté (pas de chêne depuis les années 1960), et élaboré dans un style réducteur qui enrichit le vin de ce que Richard Geoffroy nomme des arômes « gris » (comme le café, l’allumette frappée, le pain grillé), et évite les arômes « bruns » d’oxydation (pensez Bollinger ou Krug).
Le style réducteur limite l’exposition à l’oxygène et ceci, associé à des arômes phénoliques amers, est la clé de la longévité du vin. Après une autolyse relativement lente et régulière, le DP développe davantage de finesse et de complexité lors du vieillissement post-dégorgement en bouteille.
Dom Pérignon, Édition Héritage 2008
(2018) 2008 a été une récolte marathon pour Dom Pérignon (qui a duré presque un mois entier du début à la fin). Le nez est classiquement ‘Dom Pérignon’ : d’une grande fraîcheur, avec un caractère autolytique poli et fleuri qui ajoute une dimension supplémentaire au fruit puissant et aux arômes grillés. Un véritable coup d’acidité zingué mène d’abord en bouche, au fur et à mesure que le milieu de bouche se développe, que le fruit prend de l’ampleur, que l’acidité s’intègre. La finale est exceptionnellement jeune, longue, amère et sèche. Clairement mûr, et montrant une concentration en apesanteur. Nerveux et tendu, sacrifiant la largeur en échange de la longueur. C’est un Dom Pérignon suprême de complexité craquante, qui rejoindra le panthéon des grands DP. Potentiel pour atteindre 98/100 (magnums susceptibles de marquer plus haut). Boire 2023-2048.
La Retraite de Richard Geoffroy
Après 28 ans à la barre, Richard Geoffroy a décidé que le moment était venu de raccrocher son chapeau de chef, choisissant ingénieusement la sortie du magnifique 2008 pour le faire. Lui succédera longtemps l’œnologue Dom Pérignon, Vincent Chaperon (tous deux sur la photo, à droite).
Médecin de formation (mais jamais en exercice), l’ADN viticole de Richard a fait son apparition, avec un pedigree familial de viticulteurs de la Côte des Blancs qui remonte à sept générations. Une carrière en œnologie s’ensuivit. Il a rejoint l’équipe Dom Pérignon en 1990 après avoir travaillé auparavant au Domaine Chandon en Californie. Il a finalement pris le contrôle total de l’ancien chef de cave, Dominique Foulon, en 1996.
Le passage de Richard chez Dom Pérignon s’est avéré être une période solide pour la marque, développant et nourrissant la marque pour le 21ème siècle. Il a absorbé les vignobles nouvellement acquis de manière transparente dans l’assemblage DP, permettant à LVMH d’augmenter le volume sans sacrifier la qualité. Il a fait des vins formidables au fil des ans, avec des millésimes remarquables tels que 1995, 1996, 2006 et maintenant 2008, a navigué avec style des années difficiles (un 2003 étonnamment bon par exemple), et a commis très peu d’erreurs.
Sans production non millésimée pour distraire ses efforts, Richard s’était mis au défi de faire du Dom Pérignon presque chaque année, estimant que la maturité phénolique est la clé pour concevoir des vins de fraîcheur et de longue garde, et que des « problèmes » tels que le Botrytis peuvent être gérés en conséquence (ce qui est l’habileté du chef-de-cave).
Il a ajusté certaines des dynamiques les plus subtiles de la cuvée, en diminuant le dosage et en augmentant le temps entre le dégorgement et l’expédition. Le nouveau Dom Pérignon est maintenant merveilleusement intégré, avec un toastin doux et sublime, une mousse crémeuse et aucun arôme exagéré de « match frappé » de soufre.
Richards la plus grande innovation a été le développement du programme « Plénitude » (en remplacement de la collection « Oenothèque »). En retenant les bouteilles, Moët& Chandon a pu présenter Dom Pérignon à deux autres stades de développement de sa vie (Richard les appelle plénitudes).
Un bel héritage en effet, et un acte difficile à suivre pour Vincent lorsqu’il prend la barre.
Dom Pérignon 2009 – 1996
Une revue de chaque millésime de Dom Pérignon Blanc réalisé sous le temps de Richard Geoffrey en tant que chef-du-cave.
(2018) Un millésime chaud et mûr avec des fruits à plein régime. Tonique exotiquement, sans trop souffrir du gras autolytique qui prévaut dans certaines versions de ce millésime. Absolument aucun soupçon de verdure, un vin charmant et ensoleillé qui se boit déjà bien. Assez sérieux pour un ’09, et alors que le score est en partie basé sur le potentiel, même maintenant, c’est un solide 93/100. Boire 2019-2034.
(2018) J’aime vraiment ce millésime, cette belle richesse grillée, une vraie intensité de coloration du fruit en bouche. Ce Champagne est une bête aux épaules larges et tendues, mais ne se sent jamais trop gras ou lourd. Une longue finale que vous pouvez presque mâcher, et tellement complexe. Potentiel solide pour une note de 96/100. Boire 2020-2045
(2018) Une petite version. Un millésime dans lequel le Pinot Noir était gâché par la pourriture, Richard a augmenté le Chardonnay à 60% pour retrouver un peu d’équilibre et de fraîcheur. Un vin bien fait, qui menace de devenir exotique à moyen terme, les notes abricotées du Botrytis ajoutent du détail à la finale sans dominer. 92/100 peut-être, mais potentiel pour 93/100. Boire 2018-2030.
(2018) Après la chaleur et les faibles rendements du millésime précédent, les vignes ont répondu avec vigueur en 2004, produisant des raisins généreux en quantité et en qualité. Un DP « classique » (ou peut-être plus exactement « à l’ancienne »), le 2004 est plus maigre, joli et fleuri, démontrant une douceur diffuse de fruits. Des arômes grillés commencent à se développer. Tout juste sorti de sa coquille après une phase grincheuse adolescente que de nombreux ’04 ont traversée, cela a un bel avenir. Sur le potentiel, 96/100. Boire 2018-2040.
(2018) Avec de faibles rendements (les gelées d’avril détruisant les bourgeons) et une saison de croissance chaude, très peu de vins sont sortis de ce millésime. Controversé, Geoffroy a choisi d’ignorer la sagesse perçue et a relevé le défi de faire un Pérignon en 2003, s’appuyant lourdement sur ses vignobles de Grand Cru au climat plus frais. Le défi était d’éviter la surmaturité (et peut-être que l’expérience précédente de Richard au Domaine Chandon en Californie l’a aidé ici?). Mûr et rond, le vin conserve fraîcheur et structure. Une bouchée avec une grosse quantité de fruits, je ne sais pas comment cela va se développer. Précisément la raison pour laquelle c’était la bonne décision de le prendre peut-être? Je vais faire un coup de couteau sauvage dans l’obscurité qu’il a le potentiel de 93/100, et la fenêtre de consommation de 2018-2028.
(2018) Les courants de vent venant du nord ont travaillé pour déshydrater les raisins sur la vigne. Il s’agit d’un millésime super concentré en Champagne, même s’il semble que de nombreux vignerons n’aient pas saisi le caractère oxydatif du millésime et protégé les vins en conséquence. Néanmoins, c’est un grand millésime, et un grand Dom Pérignon. Bien que j’aie connu quelques variations de bouteille, les meilleurs exemples de ’02 ont une densité semblable à une étoile à neutrons, une richesse immense et une longue douceur miellée. Il faudra attendre la complexité et la finesse, mais ça viendra, donc ma note de 96/100 est basée sur le potentiel. Au moment de cet examen? Peut-être 93/100. Boire 2022-2042. (Le « P2 » vient d’être dégorgé prêt pour une sortie en 2019).
(2018) Un DP avec lequel j’ai eu du mal par le passé, pas totalement mûr je soupçonne, le spectre aromatique penchant trop vers des notes vertes et herbacées pour que je sois à l’aise. Le temps et l’évolution ont masqué un peu, mais pas tout ce caractère immature, et lors de la dernière dégustation en 2015, c’était un Champagne facile à boire, moelleux, avec un piquant attrayant. Boire 2018 – 2024.
(2018) Il semble que la plupart des années se terminant par « 9 » aient connu des étés chauds, offrant des fruits exceptionnellement mûrs. 1999 n’a pas fait exception. D’abord une cuvée très généreuse, à maturité jaune fruitée, le vin a perdu un peu de poids et a mûri en un joli Champagne crémeux. Puissant, mais pas excessivement. Boire 2018-2028.
(2018) Un Dom Pérignon puissant, meurtri, large et monolithique, manquant finalement de complexité. Bien mieux qu’une édition « P2 ». Boire 2018-2025.
(2018) Le millésime que j’ai le plus bu (plus de 20 fois) et un vin qui se développe si lentement qu’il semble se tenir en animation suspendue. Lors de sa première sortie, c’était piquant et appétissant, l’acidité vivifiante tenue en échec avec un niveau de sucre décent dans le dosage: compact, à fruits frais et très savoureux. L’acidité s’est calmée dans les années intermédiaires, le volume aromatique et la complexité se construisent, bien que le petit pic de verdeur soit toujours présent en arrière-plan. Devenir bien grillé. Quelle honte qu’il n’y ait pas de magnums! Boire 2018-2035.