Quiconque a appris à jouer d’un instrument de musique sait que traduire des notes sur une feuille en mouvements de doigts est d’abord laborieux, mais devient progressivement plus automatique avec le temps. Cette caractéristique largement appréciée de l’apprentissage moteur a été décrite en 1967 par Paul Fitts et Michael Posner. Dans un livre intitulé Performance humaine, les psychologues bien connus ont proposé trois étapes d’apprentissage de la motricité: une phase cognitive, une phase associative et une phase autonome.
Dans la première étape, les mouvements sont lents, incohérents et inefficaces, et de grandes parties du mouvement sont contrôlées consciemment. Dans la deuxième étape, les mouvements deviennent plus fluides, fiables et efficaces, et certaines parties du mouvement sont contrôlées automatiquement. Et dans la troisième étape, les mouvements sont précis, cohérents et efficaces, et le mouvement est largement contrôlé automatiquement. Cependant, il n’a pas été clair exactement comment les différentes étapes de l’apprentissage moteur se mappent sur les systèmes neuronaux du cerveau.
Dans une étude publiée dans ce numéro de PLOS Biology, Nicolas Schweighofer de l’Université de Californie du Sud et Hiroshi Imamizu de l’Université de Tokyo ont combiné une modélisation informatique avec des données d’imagerie par résonance magnétique comportementale et fonctionnelle (IRMf) pour créer une carte à l’échelle du cerveau des mémoires motrices avec différentes échelles de temps (Figure 1). Selon les auteurs, les résultats jettent un nouvel éclairage sur une théorie psychologique classique et pourraient potentiellement être utilisés pour améliorer les stratégies de rééducation de la motricité après une lésion cérébrale.
L’apprentissage a lieu dans différentes régions du cerveau à différentes échelles de temps. Les quatre panneaux de la figure représentent des constantes de temps qui caractérisent la vitesse des changements. Crédit image: Hiroshi Imamizu.
Dans la nouvelle étude, 21 volontaires sains ont effectué des tâches d’adaptation visuelle-motrice pendant que leur activité cérébrale était mesurée avec l’IRMf. Au début de chaque essai, une croix blanche (curseur) apparaissait au centre de l’écran, et les sujets manipulaient ensuite un joystick pour déplacer le curseur vers un cercle rouge ou bleu qui apparaissait en haut de l’écran. Mais il y avait un décalage visuel-moteur: le curseur était tourné de 40 degrés par rapport à la direction réelle du mouvement. Au fil du temps, les sujets ont appris à s’adapter à cette rotation en ajustant le mouvement du joystick dans le sens opposé.
Les données comportementales ont révélé plusieurs étapes de l’apprentissage moteur, avec une adaptation rapide se produisant dans des blocs de neuf essais et une adaptation lente se produisant à travers les blocs. Les chercheurs ont ensuite développé un modèle pour déterminer quels systèmes neuronaux étaient impliqués dans les différentes étapes de l’apprentissage moteur. Ils ont constaté que l’apprentissage rapide se déroulant en cinq secondes était associé à une activité dans les régions cérébrales frontales et pariétales. En revanche, un apprentissage intermédiaire entre deux minutes et environ une heure et demie était associé à une activité dans la région antérieure du lobe pariétal inférieur. Le stade d’apprentissage le plus lent, qui s’est déroulé au fil des heures, a été associé à une activité dans les parties antérieures à médiales du cervelet — une région du cerveau qui joue un rôle important dans le contrôle moteur.
Ces résultats sont cohérents avec des recherches antérieures montrant que les régions frontales sont impliquées dans les premiers stades d’apprentissage de l’attention, de l’excitation, de l’analyse des mouvements visuels, de la mémoire de travail spatiale, de la mémoire des mouvements de la main et de la planification des mouvements. De même, les régions pariétales sont connues pour jouer un rôle dans les premiers stades d’apprentissage de la rotation mentale et visuelle-motrice. Pris ensemble, les résultats suggèrent que les phases cognitives et associatives initiales de l’apprentissage moteur recrutent des régions cérébrales frontales et pariétales, alors que le stade tardif de l’apprentissage autonome dépend du cervelet médial antérieur. Ainsi, en combinant de multiples techniques complémentaires, les chercheurs ont permis d’approfondir une théorie psychologique classique et influente proposée il y a plusieurs décennies.