Katharina

Katharsis est une transformation bénéfique des émotions douloureuses par la contemplation absorbée d’une œuvre d’art puissamment émouvante. La signification racine de « katharsis » en grec est le nettoyage. Le mot peut indiquer l’élimination des impuretés de tout type de substance, d’où son amélioration. Avant Aristote, certains philosophes avaient parlé (métaphoriquement) de katharsis psychologique. Aristoxène, élève d’Aristote, a affirmé que les Pythagoriciens « ont atteint la katharsis du corps par la médecine, la katharsis de l’âme par la musique » (frag. 26). Platon utilise parfois la terminologie de « katharsis » pour extraire philosophiquement l’âme ou l’intellect des préoccupations corporelles (par exemple, Phédo 67c; comparer Sophiste 226d–231b). Mais Aristote a été la première personne à appliquer le terme « katharsis » à l’expérience de la tragédie.

La dernière clause de la définition de la tragédie d’Aristote dans Poetics 6 décrit la tragédie comme « accomplissant par la pitié et la peur la katharsis de telles émotions. »Aucune autre référence à katharsis car l’effet de la tragédie se produit dans la Poétique. La controverse sur la clause « katharsis » reste vive, aucune solution ne nécessitant une grande confiance. En cause, des questions comme les suivantes: Aristote signifiait-il des émotions ou des dispositions sous-jacentes? La pitié et la peur sont-elles les seules émotions impliquées? L’émotion est-elle l’objet ou seulement l’agence de katharsis ? Le terme  » katharsis » a-t-il des connotations médicales et/ou religieuses? L’esprit des spectateurs de la tragédie est-il purgé, purifié, clarifié ou raffiné ?

Notre meilleure aide à l’interprétation de la katharsis tragique est le récit de la katharsis musicale dans la Politique d’Aristote 8.6-7, où Aristote postule à la fois des cas pathologiques et normaux du phénomène. Comme la pitié et la peur sont spécifiquement citées dans ce contexte et que des éclaircissements supplémentaires sont promis dans une discussion sur la poésie, il existe un lien clair avec la Poétique. Alors que la politique 8, axée sur les besoins éducatifs, distingue divers usages de la musique, elle adopte une vision fondamentalement centrée sur le caractère de la capacité de la musique à « changer l’âme » à travers les passions (1340a4-b19). Bien qu’Aristote considère à la fois la tragédie et la musique comme des formes d’art mimétiques (représentatives et expressives) qui suscitent des états émotionnels intenses chez leur public, dans sa psychologie morale générale, le jugement éthique, bien que cognitif, est influencé par le sentiment (Éthique nicomaque 2.2–5, Rhétorique 2.1–11). Par conséquent, nous ne devrions pas creuser un fossé entre les implications émotionnelles et cognitives de la katharsis.

Aristote compare partiellement les effets mentaux de la katharsis musicale à la katharsis médicale et rituelle, mais il garde néanmoins la katharsis musicale indépendante de ces sphères. La politique 8 encourage un modèle de katharsis tragique qui intègre des réactions cognitives, affectives et éthiques dans le plaisir particulier de la tragédie. Étant donné que ces réactions découlent d’un engagement émotionnel avec une structure d’intrigue mimétique (Poétique 14), et que toute expérience de la mimèse est guidée par la conscience cognitive (Poétique 4), la théorie plus large de la tragédie d’Aristote soutient l’idée que la katharsis fonctionne avec la cognition et le plaisir. Malgré cela, la katharsis ne doit pas être considérée comme un plaisir tragique en soi, mais comme une transformation bénéfique des émotions douloureuses, à travers la contemplation absorbée d’une œuvre d’art puissamment émouvante, en une composante clé d’une expérience unifiée et satisfaisante.

Parce que la katharsis nécessite un flux d’émotion décomplexé, elle peut apporter un sentiment de  » soulagement » (Politics 1342a14) et réduire tout excès. Mais l’association moderne populaire de katharsis avec un simple drainage d’émotions bloquées simplifie trop la perspective d’Aristote. Les preuves combinées de la Poétique et de la politique suggèrent qu’Aristote a abordé les préoccupations de Platon concernant les réponses émotionnelles à l’art (République 606) en soutenant qu’une telle émotion accrue pourrait canaliser un alignement éthiquement précieux du sentiment et de la compréhension. Si c’est le cas, il est plausible que son concept de katharsis ait été appliqué à plusieurs formes d’art, y compris peut-être la comédie.

Voir aussi Aristote; Émotion; Platon; Pythagore et Pythagorisme; Tragédie.

Bibliographie

Aristote. Éthique nicomaque. Traduit par Christopher Rowe. Oxford, Royaume-UNI: Oxford University Press, 2002.

Aristote. Sur la Rhétorique. Traduit par George A. Kennedy. New York : Oxford University Press, 1991.

Aristote. Poétique. Traduit par Stephen Halliwell. Cambridge, MA : Harvard University Press, 1995.

Aristote. Politique. Livres VII et VIII. Traduit par Richard Kraut. Il s’agit de la première édition de la série.

Halliwell, Stephen. La poétique d’Aristote. Londres : Duckworth, 1986.

Halliwell, Stephen.  » La psychologie morale de la catharsis : Un essai de reconstruction. » Études philosophiques 4 (2003) : 499-517.

Lear, Jonathan.  » Katharsis. » Phronesis 33 (1988): 297-326.

Platon. Œuvres complètes, éditées par J. M. Cooper. Indianapolis : Hackett, 1997.

Stephen Halliwell (2005)

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