Probablement inspiré du nom de Lucy, qui dérive de lux, ou « lumière », les versions ultérieures du conte ajoutent le gougeage de ses yeux à sa longue liste d’abus. Certains disent qu’elle a fait l’acte elle-même, afin d’éviter le regard masculin affamé et de rebuter son futur mari païen; d’autres décrivent Dioclétien commettant l’acte. Dans les deux cas, Dieu restaure la vision de Lucy — mais Dioclétien finit par l’emporter avec une épée à la gorge (ce dénouement est au centre de la plupart des représentations de la sainte en Europe du Nord).
Peut-être inspirés par le flair des artistes italiens de la Renaissance pour le dramatique, les yeux crevés de Lucy et sa guérison miraculeuse sont devenus un motif favori. Le plus souvent, elle montre ses yeux détachés sur une assiette, comme dans Sainte Lucie du XVIIe siècle de Francisco de Zurbarán (env. 1625–30). Elle a également été présentée les plaçant fièrement entre deux doigts, comme dans la représentation de Francesco Zaganelli, vers 1500, ou dans le processus sanglant de leur extraction, comme une toile italienne rarissime du XVIe siècle.
La version de Cossa, cependant, reste ma préférée pour son traitement floral bizarre des yeux désincarnés et le personnage fougueux de leur porteur. Lucy est représentée avec des sourcils arqués, des lèvres pincées et un éclat pénétrant. En 1934, l’historien de l’art italien Roberto Longhi a émis l’hypothèse que le tableau faisait partie d’un double retable commandé par Floriano Griffoni; la femme du mécène s’appelait Lucia. Longhi a également noté que la représentation de Cossa de globes oculaires en fleurs était dérivée du nom Floriano. Bien que cela, comme beaucoup de mystères entourant le tableau, ne soit toujours pas confirmé, il est clair que cette Sainte Lucie dégage une humanité au sang chaud absente des représentations effrayantes et surréalistes d’yeux détachés, où les corps féminins sont dissociés et démembrés. Ici, elle contrôle sa forme – présentant ses yeux (avec sa vision, et peut-être même son point de vue) comme des éléments à vénérer et à honorer, plutôt que de les séparer.