Que Peuvent Nous Dire Les Expériences Sur La Façon D’Améliorer La Gouvernance ? – Université des Nations Unies

2013•02•21

Rachel Gisselquist et Miguel Niño – Zarazúa

 Que Peuvent Nous Dire Les Expériences Sur La Façon D'Améliorer La Gouvernance ?

Photo de l’ONU / Albert Gonzalez Farran.

Au cours de la dernière décennie, les essais contrôlés randomisés (ECR) sont devenus un élément de base de la recherche en économie du développement. Les partisans des ECR ont plaidé pour leur utilisation comme le meilleur moyen d’identifier « ce qui fonctionne » dans le développement, tandis que les sceptiques expriment de fortes inquiétudes quant à leur hégémonie croissante sur le terrain.

L’année dernière, deux livres influents, More Than Good Intentions de Karlan et Appel, et Poor Economics de Banerjee et Duflo, ont résumé ce que les ECR peuvent nous dire sur la façon de réduire la pauvreté mondiale. Des sceptiques tels que Angus Deaton et Martin Ravallion soulignent que les ECR, même bien conçus, ne sont pas la « norme d’or » pour l’évaluation des politiques, car ils reposent souvent sur de petits échantillons (et de petites interventions pilotes) qui ne peuvent pas nous dire si une politique fonctionnerait si elle était étendue au niveau national ou transférée à différentes conditions socio-économiques et politiques.

Tout aussi importantes sont les préoccupations liées au fait que les ECR sont généralement menées dans le cadre d’une fenêtre d’analyse de courte durée et sont donc mal outillées pour faire face aux processus de développement qui se déroulent au cours de décennies, voire de générations.

S’appuyant sur ce débat, l’UNU-WIDER a lancé le projet Méthodes expérimentales et Non expérimentales pour étudier la performance des gouvernements qui explore les contributions et les limites des ECR dans l’étude d’un autre sujet majeur du développement: la gouvernance. Malgré une littérature abondante sur la gouvernance et sur les méthodes expérimentales, très peu de travaux ont examiné directement les deux sujets ensemble de cette manière.

Étude de la gouvernance

La gouvernance est un concept contesté, en particulier parmi les praticiens du développement. Ce projet adopte une définition de la gouvernance qui s’appuie sur les théories du gouvernement et de l’État, qui soulignent deux rôles majeurs pour les institutions publiques dans la fourniture de biens publics et la représentation des intérêts publics.

Comment et dans quelle mesure les gouvernements gouvernent est une question centrale dans l’étude de la politique de l’efficacité du développement, et le domaine de la science politique offre une variété d’explications. Les principales explications structurelles, par exemple, mettent en évidence les niveaux de développement, les structures de classe et les divisions ethniques. Les institutionnalistes soulignent comment les règles et les normes façonnent les « règles du jeu », souvent de manière inattendue et de longue date, et explorent l’impact d’un éventail d’institutions, y compris les règles électorales, les structures exécutives, la décentralisation et le fédéralisme. D’autres travaux portent sur la façon dont la culture politique affecte le fonctionnement de la gouvernance démocratique, ainsi que sur l’influence parfois décisive du leadership politique.

Les théories tendent à traiter séparément les deux rôles du gouvernement, offrant des explications soit pour une meilleure représentation et une responsabilité (souvent encadrées en termes d’émergence de la démocratie libérale par rapport à d’autres formes de gouvernement), soit pour une fourniture de biens publics plus efficace. De nombreuses études se concentrent sur des résultats de gouvernance ventilés, tels que des services de police efficaces, des droits de propriété ou des soins de santé universels. En effet, loin d’avoir un modèle unique de changement de gouvernance, la littérature nous donne des explications diverses, multiples et parfois contradictoires. Un exemple simple est la réglementation: Est-ce plus ou moins mieux?

Les résultats des ECR mettent en évidence une gamme de stratégies, de projets et d’autres interventions que les gouvernements pourraient adopter pour améliorer certains aspects de la gouvernance. Certaines interventions qui ont été explorées dans de multiples contextes comprennent des campagnes d’information du public, des incitations financières pour améliorer la performance des employés du secteur public, des systèmes de suivi communautaires et des délibérations publiques au niveau local. Mais une certaine incertitude demeure quant aux mécanismes (et théories) sous-jacents qui expliquent la distribution des résultats politiques pour un groupe de traitement donné (et son placebo) par rapport à la distribution pour l’ensemble de la population.

Limites des expériences de terrain

En effet, une critique courante des études expérimentales est qu’elles n’abordent ni les « grandes » questions ni les « grandes » théories de la gouvernance (ou du développement). La comparaison des questions explorées dans les ECR avec celles identifiées dans les grandes théories de la gouvernance suggère qu’il y a quelque chose à cela.

D’un autre côté, les partisans des ECR avancent un argument convaincant selon lequel leur approche micro offre des explications plus convaincantes que les grandes théories, en examinant de petites réformes politiques qui, à la marge, peuvent conduire à des améliorations souhaitables des politiques.

Aussi convaincant que cela puisse paraître, ce micro focus expose l’une des principales faiblesses des ECR: la faible validité externe de leurs résultats. Précisément parce que les chercheurs expérimentaux ont tendance à éviter la théorisation de haut niveau, ils ont peu à dire sur ce qui, dans des contextes particuliers, pourrait être unique ou avoir influencé les résultats, et pourquoi leurs résultats devraient être généralisables. Ceci est aggravé par le fait que les expériences sont rarement répliquées dans plusieurs contextes.

Une troisième limite pour les ECR dans l’étude de la gouvernance réside dans le type de facteurs causaux qu’ils peuvent raisonnablement étudier. Cette contrainte découle en partie de la nécessité d’étudier un grand nombre d’unités afin d’obtenir des estimations statistiques précises (et de faibles erreurs types), ce qui encourage les chercheurs à se concentrer sur des facteurs de bas niveau plutôt que sur ceux détenus par des unités de niveau supérieur, telles que les institutions nationales. Cela vient également de la simple incapacité des chercheurs à manipuler certaines variables clés, telles que le niveau de développement. Dans d’autres cas, les considérations éthiques sont la source de grandes préoccupations qui devraient être pondérées et évaluées de manière appropriée lors de l’étude d’un phénomène social particulier.

Les ECR sont également limitées en termes d’unité d’analyse sur laquelle elles peuvent évaluer les impacts, qui est généralement l’individu ou les ménages, plutôt que les communautés ou la nation. De nombreuses théories du gouvernement se concentrent sur des processus non linéaires qui évoluent au fil des décennies, tandis que les ECR examinent rarement les impacts au-delà de la trajectoire linéaire entre deux points dans le temps, généralement quelques années.

Prenons, par exemple, le cas hypothétique d’une courbe en forme de J dérivée de la relation à long terme entre la libéralisation économique et la stabilité politique: À court terme, la libéralisation économique conduit à une rupture soudaine entre les acteurs économiques qui provoque une augmentation de l’instabilité politique. Un ECR peut conclure que la libéralisation économique est mauvaise pour la stabilité politique. Cependant, une fois que les marchés et les institutions seront davantage développés, la stabilité politique pourrait effectivement commencer à s’améliorer.

Un dernier problème est le coût. Même si les ECR pouvaient être adaptés pour aborder certaines théories clés de la gouvernance, il n’est pas nécessairement clair qu’ils seraient plus rentables pour tester les théories que les méthodes non expérimentales.

Conclusion

En bref, nos recherches en cours suggèrent que, dans la façon dont les ECR ont été conçus jusqu’à présent, ils ont une utilité certaine, mais limitée, dans la recherche pour comprendre les facteurs sous-jacents qui influent sur la variation du rendement du gouvernement. Ils ont apporté des contributions clés aux connaissances en montrant l’effet de certaines interventions ciblées avec des résultats relativement rapides, mais les hypothèses majeures sur la façon dont le rendement du gouvernement pourrait s’améliorer ne seront pas abordées à l’aide d’ECR.

Une question centrale pour nous est de savoir si, et dans quelle mesure, les principes sur lesquels se fondent les ECR pourraient être conciliés avec des méthodes non expérimentales (économétriques), pour trouver un juste milieu analytique. Dans l’attente que l’expérimentation sociale repose sur des modèles structurels de comportement économique et politique, cela pourrait potentiellement fournir des informations sur la question de savoir si une intervention qui fonctionne dans un contexte pourrait fonctionner (et pourquoi) dans d’autres contextes socio-économiques et politiques.

Plus d’informations sur ce projet seront publiées sur notre page Web.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

More: