Fédéraliste No. 84

Source : The Federalist : The Gideon Edition, éd. George W. Carey et James McClellan (Indianapolis : Liberty Fund, 2001), 442-451.

Au cours de la révision qui précède de la Constitution, j’ai pris connaissance et je me suis efforcé de répondre à la plupart des objections qui sont apparues contre elle. Il en reste cependant quelques-uns qui, soit ne tombaient naturellement sous aucune tête particulière, soit étaient oubliés à leur place. Ceux-ci seront maintenant discutés; mais comme le sujet a été longuement abordé, je vais jusqu’à présent consulter la brièveté afin de regrouper toutes mes observations sur ces divers points dans un seul document.

La plus considérable des objections restantes est que le plan de la convention ne contient pas de déclaration des droits. Parmi les autres réponses apportées à cela, il a été remarqué à différentes occasions que les constitutions de plusieurs États se trouvent dans une situation similaire. J’ajoute que New York est du nombre. Et pourtant, les personnes qui, dans cet État, s’opposent au nouveau système, tout en professant une admiration illimitée pour sa constitution, sont parmi les partisans les plus intempestifs d’une déclaration des droits. Pour justifier leur zèle en la matière, ils allèguent deux choses: la première est que, bien que la constitution de New York ne soit pas précédée d’une déclaration des droits, elle contient pourtant, dans le corps de celle-ci, diverses dispositions en faveur de privilèges et de droits particuliers qui, en substance, équivalent à la même chose; l’autre est que la Constitution adopte, dans toute sa mesure, le droit commun et le droit statutaire de la Grande-Bretagne, par lequel de nombreux autres droits, non exprimés, sont également garantis.

Au premier je réponds que la Constitution proposée par la convention contient, ainsi que la constitution de cet État, un certain nombre de telles dispositions.

Indépendamment de ceux qui se rapportent à la structure du gouvernement, on trouve les éléments suivants: Article 1, section 3, clause 7 – « Le jugement en cas de destitution ne s’étendra pas plus loin que la destitution et la disqualification pour occuper et jouir d’une charge d’honneur, de confiance ou de profit aux États-Unis; mais la partie condamnée sera néanmoins responsable et sujette à inculpation, procès, jugement et punition conformément à la loi. » Section 9, du même article, clause 2 — « Le privilège du bref d’habeas corpus ne sera pas suspendu, sauf si, en cas de rébellion ou d’invasion, la sécurité publique peut l’exiger. »Article 3 –  » Aucun projet de loi ou loi a posteriori ne sera adopté. »Clause 7 -« Aucun titre de noblesse ne sera accordé par les États-Unis; et aucune personne détenant une charge de profit ou de fiducie sous leur autorité ne doit, sans le consentement du Congrès, accepter un présent, un émolument, une charge ou un titre de quelque nature que ce soit, d’un roi, d’un prince ou d’un État étranger. »Article III, section 2, clause 3 – « Le procès de tous les crimes, sauf en cas de destitution, se fera par jury; et ce procès se tiendra dans l’État où lesdits crimes auront été commis; mais lorsqu’il n’est pas commis à l’intérieur d’un État, le procès aura lieu dans le ou les lieux que le Congrès peut, par la loi, ordonner. »Section 3 du même article — « La trahison contre les États-Unis ne consistera qu’à leur faire la guerre, ou à adhérer à leurs ennemis, en leur apportant aide et réconfort. Nul ne peut être reconnu coupable de trahison, sauf sur la déposition de deux témoins du même acte manifeste, ou sur des aveux en audience publique. » Et la clause 3, de la même section — « Le Congrès aura le pouvoir de déclarer la punition de trahison; mais aucun auteur de trahison ne commettra de corruption de sang ou de confiscation, sauf pendant la vie de la personne atteinte. »

On peut se demander si celles-ci ne sont pas, dans l’ensemble, d’une importance égale à celles qui se trouvent dans la constitution de cet État. L’établissement du bref d’habeas corpus, l’interdiction des lois a posteriori et des titres de noblesse, auxquels nous n’avons aucune disposition correspondante dans notre Constitution, sont peut-être plus de garanties pour la liberté et le républicanisme que tout ce qu’il contient. La création de crimes après la commission des faits, ou, en d’autres termes, la soumission d’hommes à des châtiments pour des choses qui, lorsqu’elles ont été faites, n’étaient des violations d’aucune loi, et la pratique des emprisonnements arbitraires, ont été, à tous les âges, les instruments préférés et les plus redoutables de la tyrannie. Les observations de la judicieuse Pierre noire, en référence à cette dernière, sont bien dignes de mention: « Abandonner un homme de vie ou par la violence confisquer ses biens, sans accusation ni procès, serait un acte de despotisme si grossier et si notoire qu’il doit immédiatement susciter l’alarme de la tyrannie dans toute la nation; mais l’enfermement de la personne, en la précipitant secrètement en prison, où ses souffrances sont inconnues ou oubliées, est un moteur moins public, moins frappant, et donc plus dangereux du gouvernement arbitraire. »Et comme remède à ce mal fatal, il est partout particulièrement emphatique dans ses encomiums sur la loi d’habeas corpus, qu’il appelle en un endroit « le rempart de la Constitution britannique. »

Rien n’est dit pour illustrer l’importance de l’interdiction des titres de noblesse. Cela peut vraiment être appelé la pierre angulaire du gouvernement républicain tant qu’ils sont exclus, il ne peut jamais y avoir de danger sérieux que le gouvernement soit autre que celui du peuple.

À la seconde, c’est-à-dire à la prétendue mise en place de la common law et du droit statutaire par la Constitution, je réponds qu’ils sont expressément soumis  » aux modifications et dispositions que le législateur fera de temps à autre à leur sujet. »Ils sont donc à tout moment susceptibles d’être abrogés par le pouvoir législatif ordinaire, et n’ont bien sûr aucune sanction constitutionnelle. La seule utilisation de la déclaration était de reconnaître la loi ancienne et de lever les doutes qui auraient pu être occasionnés par la Révolution. Cela peut donc être considéré comme ne faisant pas partie d’une déclaration des droits qui, selon nos constitutions, doit être considérée comme une limitation du pouvoir du gouvernement lui-même.

On a plusieurs fois vraiment remarqué que les déclarations de droits sont, dans leur origine, des stipulations entre les rois et leurs sujets, des abrégements de prérogatives en faveur du privilège, des réserves de droits non cédés au prince. Telle était la Magna Charta, obtenue par les barons, épée à la main, du roi Jean. Telles furent les confirmations ultérieures de cette charte par les princes ultérieurs. Telle était la Requête du Droit approuvée par Charles Ier au début de son règne. Telle fut également la Déclaration des Droits présentée par les Lords et les Communes au prince d’Orange en 1688, puis présentée sous la forme d’une loi du Parlement appelée Déclaration des droits. Il est donc évident que, selon leur signification primitive, ils n’ont aucune application aux constitutions, prétendument fondées sur le pouvoir du peuple et exécutées par leurs représentants et serviteurs immédiats. Ici, dans la rigueur, le peuple ne cède rien; et comme ils conservent tout, ils n’ont pas besoin de réserves particulières. « NOUS, LE PEUPLE des États-Unis, pour garantir les bénédictions de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, ordonnons et établissons cette Constitution pour les États-Unis d’Amérique. »Voici une meilleure reconnaissance des droits populaires que des volumes de ces aphorismes qui font la figure principale de plusieurs de nos déclarations des droits de l’État et qui sonneraient beaucoup mieux dans un traité d’éthique que dans une constitution de gouvernement.

Mais un détail minutieux de droits particuliers est certainement beaucoup moins applicable à une constitution comme celle à l’étude, qui vise simplement à réglementer les intérêts politiques généraux de la nation, qu’à une constitution qui régit toutes les espèces de préoccupations personnelles et privées. Si, par conséquent, les clameurs bruyantes contre le plan de la convention, sur ce point, sont fondées, aucune épithète de réprobation ne sera trop forte pour la constitution de cet État. Mais la vérité est que les deux contiennent tout ce qui, par rapport à leurs objets, est raisonnablement à désirer.

Je vais plus loin et j’affirme que les déclarations de droits, au sens et dans la mesure où elles sont revendiquées, sont non seulement inutiles dans la Constitution proposée, mais seraient même dangereuses. Ils contiendraient diverses exceptions aux pouvoirs non accordés; et, à ce titre, fourniraient un prétexte incolorisable pour réclamer plus que ce qui avait été accordé. Car pourquoi déclarer qu’on ne fera pas des choses qu’il n’y a pas de pouvoir de faire? Pourquoi, par exemple, faut-il dire que la liberté de la presse ne doit pas être restreinte, alors qu’aucun pouvoir n’est donné par lequel des restrictions peuvent être imposées? Je ne prétendrai pas qu’une telle disposition conférerait un pouvoir de régulation ; mais il est évident qu’elle fournirait, à des hommes disposés à usurper, un prétexte plausible pour prétendre à ce pouvoir. Ils pourraient demander avec un semblant de raison que la Constitution ne devrait pas être accusée de l’absurdité de prévoir contre l’abus d’une autorité qui n’est pas donnée, et que la disposition contre la restriction de la liberté de la presse impliquait clairement qu’un pouvoir de prescrire des règlements appropriés à ce sujet était destiné à être dévolu au gouvernement national. Cela peut servir de spécimen des nombreuses poignées qui seraient données à la doctrine des pouvoirs constructifs, par l’indulgence d’un zèle injurieux pour les déclarations de droits.

Au sujet de la liberté de la presse, autant que cela a été dit, je ne peux m’empêcher d’ajouter une remarque ou deux: en premier lieu, je constate, qu’il n’y a pas une syllabe à ce sujet dans la constitution de cet État; dans la suivante, je soutiens que tout ce qui a été dit à ce sujet dans celle de tout autre État ne revient à rien. Qu’est-ce qui signifie une déclaration selon laquelle « la liberté de la presse sera inviolablement préservée »? Qu’est-ce que la liberté de la presse ? Qui peut lui donner une définition qui ne laisserait pas la plus grande latitude pour l’évasion? Je considère que c’est irréalisable; et j’en déduis que sa sécurité, quelles que soient les belles déclarations qui peuvent être insérées dans toute constitution la respectant, doit tout à fait dépendre de l’opinion publique, et de l’esprit général du peuple et du gouvernement. Et là, après tout, comme cela a été suggéré à une autre occasion, nous devons rechercher la seule base solide de tous nos droits.

Il ne reste qu’un autre point de vue sur cette question pour conclure. La vérité est, après toutes les déclamations que nous avons entendues, que la Constitution est elle-même, dans tous les sens rationnels et dans tous les buts utiles, une déclaration des droits. Les différentes déclarations des droits de la Grande-Bretagne forment sa Constitution, et inversement la constitution de chaque État est sa déclaration des droits. De la même manière, la Constitution proposée, si elle est adoptée, sera la déclaration des droits de l’Union. Est-ce l’un des objets d’une déclaration des droits de déclarer et de spécifier les privilèges politiques des citoyens dans la structure et l’administration du gouvernement? Cela se fait de la manière la plus ample et la plus précise dans le plan de la convention; comprenant diverses précautions pour la sécurité publique qui ne se trouvent dans aucune des constitutions de l’État. Un autre objet d’une charte des droits vise-t-il à définir certaines immunités et certains modes de procédure, qui sont relatifs à des préoccupations personnelles et privées? Cela, nous l’avons vu, a également été pris en compte dans une variété de cas dans le même plan. En invoquant donc le sens substantiel d’une déclaration des droits, il est absurde d’affirmer qu’elle ne se trouve pas dans les travaux de la convention. On peut dire que cela ne va pas assez loin, bien qu’il ne soit pas facile de le faire apparaître ; mais on peut affirmer sans raison qu’il n’y en a pas. Il ne doit certainement pas être important de savoir quel mode est observé quant à l’ordre de déclaration des droits des citoyens s’ils se trouvent dans une partie quelconque de l’instrument qui établit le gouvernement. D’où il doit être évident qu’une grande partie de ce qui a été dit à ce sujet ne repose que sur des distinctions verbales et nominales, entièrement étrangères à la substance de la chose. . . .

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