La preuve électrocardiographique de lésion apparaît en présence d’une dépolarisation diastolique évidente due à une réduction importante de l’apport sanguin ou à d’autres facteurs causaux non ischémiques. Cela conduit à son tour à un potentiel d’action transmembranaire « défectueux » reflété sur le traçage de l’ECG sous la forme d’une déviation du segment ST. Lorsque la dépolarisation diastolique se produit au niveau sous-endocardique, une descente du segment ST apparaît sur l’ECG, tandis que la dépolarisation au niveau sous-épicardique (ou transmural) entraîne une élévation du segment ST.1
Chez les patients atteints de syndrome coronarien aigu (SCA), le profil d’élévation du segment ST est associé à la rupture ou à la fissuration d’une plaque d’athérome instable, avec occlusion thrombotique aiguë d’une artère épicardique chez un patient sans ischémie importante antérieure (SCA avec élévation du segment ST). Lorsque l’occlusion est incomplète ou que l’écoulement distal est présent grâce à la circulation collatérale, l’élévation du segment ST n’est pas observée (ACS sans élévation du segment ST).1-4 La prise en charge initiale de l’ACSSTE implique une ouverture d’urgence de la perméation de l’artère affectée par des moyens pharmacologiques (thrombolyse) ou mécaniques (revascularisation percutanée). En revanche, la thrombolyse n’est pas efficace dans l’ACSWSTE et la revascularisation coronaire dans de tels cas n’est pas une préoccupation d’urgence immédiate.2-4
Chez un petit groupe de patients, l’élévation du segment ST est transitoire (moins de 20 minutes). Selon les critères actuels de la Société Internationale d’Électrocardiologie Holter et Non invasive, 3 de tels cas correspondent à des patients présentant une « prédominance d’élévation du segment ST » qui sont à leur tour sous-classifiés selon le degré d’élévation des marqueurs de nécrose myocardique comme « infarctus avortés » ou « infarctus sans élévation du segment ST ». Les principaux guides de prise en charge de l’ACS n’ont pas défini de désignation spécifique pour ces patients et incluent l’ACS avec élévation transitoire du segment ST au sein du groupe d’ACSWSTE.2
Dans ce nombre de Medicina Intensiva, Arroyo-Úcar et al.5 rapportent que les patients atteints d’ACS et d’élévation transitoire du segment ST présentent un profil caractéristique qui les différencie du reste des patients atteints d’ACSWSTE: un âge plus jeune, une plus grande prévalence d’hommes et de fumeurs, une moindre élévation des marqueurs de nécrose, une plus grande fraction d’éjection et une prévalence plus élevée de la maladie à vaisseau unique.
Ces résultats sont cohérents avec ceux des études précédentes. Dans ce contexte, Drew et coll., 6 dans une étude impliquant une surveillance continue du segment ST, les patients présentant des épisodes d’élévation du segment ST présentaient une plus grande fréquence de maladie à vaisseau unique, tandis que les patients souffrant de dépression du segment ST présentaient une maladie multivesselle plus fréquente.
À leur tour, Meisel et al.7 a constaté qu’en comparaison avec le groupe de patients présentant une élévation persistante du segment ST, ceux présentant un SCA et une élévation transitoire du segment ST présentaient un pic de créatine kinase moindre, une fraction d’éjection plus importante, une maladie coronarienne moins étendue, une plus grande prévalence du flux TIMI III et moins d’événements coronariens au cours du suivi.
Ce profil de lésion myocardique limitée avec fonction systolique normale nous renvoie au bon pronostic connu des patients atteints d’ACSSTE qui normalisent leur segment ST après thrombolyse, 8, 9 ou aux patients soumis à une revascularisation coronaire percutanée primaire avec flux TIMI III initial.10 Cependant, lors de la récente métaanalyse de patients individuels inclus dans les essais FRISC-II, RITA et ICTUS, le risque de mortalité cardiovasculaire ou d’infarctus s’est avéré pratiquement identique chez les patients présentant une élévation transitoire de la dépression du segment ST (19,2% versus 19.4%, respectivement).11
Certains auteurs ont suggéré qu’une prise en charge initiale prudente pourrait être indiquée dans ces cas, compte tenu de leur pronostic supposé bon.12 Cependant, comme l’ont correctement commenté Arroyo-Úcar et al., le traitement de l’ACS avec élévation transitoire du segment ST n’a pas été bien établi, et les guides de gestion de l’ACSWSTE n’offrent aucune recommandation spécifique pour de tels cas.2,4 Il existe donc dans ce domaine une lacune importante de connaissances qui doit être comblée par de futurs travaux de recherche.
Il convient de mentionner que l’étude de l’ACS avec élévation transitoire du segment ST pose certaines difficultés spécifiques. Premièrement, l’élévation transitoire du segment ST n’est pas une entité nosologique en tant que telle, mais plutôt un signe clinique qui peut être dû à des causes autres que la thrombose coronaire, telles que le vasospasme coronarien (angine variant) ou le syndrome de dysfonctionnement apical transitoire (syndrome de tako-tsubo)13, parmi d’autres conditions anecdotiques14-17 avec des connotations thérapeutiques différentes. D’autre part, les lignes de division ou de différenciation entre certaines de ces maladies n’ont pas été bien définies.18 La section de l’étude ARIAM correspondant à 2010 a identifié 64 patients présentant une élévation transitoire du segment ST sur un total de 1379 patients avec un diagnostic initial de SCA (4,6%); parmi ceux-ci, 3 ont été classés comme correspondant à l’angine de Prinzmetal, 12 comme angor instable (« infarctus avortés »), 45 comme infarctus et 4 comme autres conditions / causes (données non publiées).
Deuxièmement, la nature dynamique de l’ACS doit être soulignée, avec des épisodes fréquents d’ischémie myocardique dus à la formation et à la lyse de thrombus, une vasoconstriction intermittente et une embolisation de thrombus plaquettaire.19 A titre d’exemple, on peut considérer le cas d’un patient présentant une lésion subépicardique persistante secondaire à une occlusion thrombotique d’une artère, présentant une reperfusion spontanée. Selon le moment de l’enregistrement de l’ECG, le patient peut être classé comme présentant un ACSSTE (ECG précoce), un ACS avec élévation transitoire du segment ST (suivi de l’ECG immédiatement avant la reperfusion) ou un ACSWSTE (suivi tardif de l’ECG).
En principe, la surveillance continue du segment ST avec plusieurs dérivations pourrait éviter la faible sensibilité associée aux enregistrements ECG de surface pour détecter l’élévation transitoire du segment ST. La prudence s’impose cependant, car les études avec ECG conventionnel et celles basées sur une surveillance continue de l’ECG diffèrent non seulement par l’outil de diagnostic utilisé mais également par la population évaluée. Dans le premier cas, les sujets présentant une élévation transitoire du segment ST sont des patients qui ont probablement subi une reperfusion spontanée. Ce dernier cas correspond à son tour à des individus qui continuent de souffrir d’épisodes ischémiques et courent donc un risque accru de développer des événements coronariens.20,21
Dans tous les cas, les preuves scientifiques concernant la prise en charge de ces patients doivent être dérivées d’essais cliniques randomisés impliquant des patients atteints d’ACS avec élévation transitoire du segment ST. Jusqu’à ce que ces informations soient disponibles, des études non randomisées adaptées aux tendances du traitement ou des revues systématiques d’essais randomisés (analyses de sous-groupes selon le schéma ECG initial) pourraient apporter des preuves utiles pour la prise de décision dans ce groupe important de patients.